Le Cercle consultatif en éducation (CCE) partage avec Élections Canada les pratiques exemplaires relatives à la création de ressources pédagogiques, et offre des conseils sur les orientations futures du programme d’éducation civique et les façons d’assurer la participation du personnel enseignant. Dans cette série, nous nous sommes entretenus des membres du CCE pour mettre en valeur leurs expériences et leurs expertises en éducation civique.
Rencontrez Mme Carla Peck. Elle possède un doctorat en curriculum et pédagogie des études sociales de l’Université de la Colombie-Britannique. Elle est professeure d’éducation en études sociales et professeure associée au département d’histoire, de lettres classiques et de religion à l’Université de l’Alberta. Elle est également directrice de Penser historiquement pour l’avenir du Canada, un partenariat national axé sur l’enseignement de l’histoire de la maternelle à la 12e année, qui est financé en partie par une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines.
Mme Peck mène des recherches sur la compréhension des concepts démocratiques et de l’histoire par le personnel enseignant et les élèves, et elle s’intéresse tout particulièrement à la relation entre les identités ethniques des élèves et leur compréhension de l’histoire. Elle a écrit et coécrit de nombreux articles de revues et chapitres de livres, et elle a coédité plusieurs ouvrages, notamment Teaching and Learning Difficult Histories in International Contexts: A Critical Sociocultural Approach, The Palgrave Handbook of Global Citizenship and Education, et Contemplating Historical Consciousness: Notes from the Field.
Mme Peck a offert des ateliers de perfectionnement professionnel pour le personnel enseignant de la maternelle à la 12e année en Alberta, dans tout le Canada et à l’étranger, et elle est consultante auprès de plusieurs conseils et groupes consultatifs pour des organisations provinciales, nationales et internationales spécialisées dans l’histoire et l’éducation civique. Elle a participé à divers aspects de l’élaboration de programmes d’études en Alberta, au Canada et à l’étranger, et s’emploie activement à promouvoir un enseignement de qualité des sciences sociales et de l’histoire en Alberta. En 2022, Mme Peck a reçu le prix de l’éducation publique de l’Alberta Teachers’ Association, et en 2023, on lui a remis la médaille du jubilé de platine de la reine Elizabeth II (Alberta) en reconnaissance de son travail.
Élections Canada : Comment percevez-vous votre rôle dans le monde de l’éducation civique?
Mme Peck : Mon engagement dans le domaine de l’éducation civique touche à la fois le milieu universitaire, la politique et la pratique, dans l’objectif ultime de renforcer les compétences civiques des jeunes.
En tant que professeure à la faculté d’éducation de l’Université de l’Alberta, j’ai de nombreux rôles. Tout d’abord, je travaille avec les futurs enseignants et enseignantes pour les aider à comprendre que l’éducation civique ne saurait se limiter à une seule leçon ou à un seul plan d’apprentissage (même si cela est possible). L’éducation civique est plutôt un sujet qui peut s’intégrer à presque toutes les leçons, cours ou interactions en milieu scolaire. Qu’il s’agisse de décider quelle sera la prochaine sortie éducative, de choisir un organisme de charité pour une collecte de fonds ou d’explorer les différents domaines de gouvernance au Canada (p. ex. les municipalités, les provinces, le gouvernement fédéral, les Autochtones), toutes ces expériences d’apprentissage offrent au personnel enseignant et aux élèves l’occasion de découvrir des concepts liés à l’engagement civique ainsi qu’à la participation (concrète!) aux processus démocratiques.
De plus, on me demande souvent de partager mon expertise en éducation civique avec un public large, notamment dans le cadre d’activités de perfectionnement professionnel, de conférences, d’ateliers d’été, de baladodiffusions et d’entrevues avec les médias, tant au Canada qu’à l’étranger. Cela me permet non seulement de rester en contact avec la communauté d’enseignement, mais aussi d’éduquer le grand public sur les questions liées à l’éducation civique.
Enfin, je suis consultante auprès d’organisations d’éducation civique et je contribue à l’élaboration de programmes d’enseignements de la maternelle à la 12e année au Canada et ailleurs dans le monde.
Élections Canada : Parlez-nous d’un moment mémorable que vous avez vécu en lien avec l’éducation civique.
Mme Peck : L’un des moments dont je me souviendrai toujours s’est produit quand j’enseignais en quatrième année au Nouveau-Brunswick. Une élection fédérale était en cours et j’avais commandé des ressources éducatives d’Élections Canada pour aider ma classe à comprendre la démocratie, les élections et le vote. Mes jeunes élèves étaient très motivés (ce qui me rappelle constamment qu’il ne faut pas sous-estimer ce que les enfants peuvent faire!). Nous avons organisé une élection simulée, avec des partis « politiques », nous avons désigné un chef pour chaque parti, nous avons élaboré des plateformes, nous avons prononcé des discours puis nous avons élu une chef de classe, le tout sous la direction des élèves.
Dans sa plateforme qui lui a valu d’être élue, la nouvelle chef de classe avait promis que l’école offrirait gratuitement un repas chaud à l’« élève du mois », un programme de reconnaissance que l’administration scolaire avait mis sur pied dans l’école en début d’année. Malheureusement, l’administration n’a pas appuyé la proposition, ce qui a grandement affligé la nouvelle chef de classe. (Quand j’y repense, c’est vrai qu’elle ou moi aurions dû d’abord demander à l’administration si cela était faisable.) Ce fut pour moi un dur rappel que l’éducation civique doit être l’affaire de toute l’école : toutes les personnes travaillant dans une école doivent soutenir l’éducation civique. Cette constatation s’est renforcée plus de dix ans plus tard, lorsque mes collègues et moi avons entrepris une recherche auprès d’élèves du premier cycle du secondaire en Alberta, dont les résultats ont été publiés dans cet article : We’re here to teach about democracy, not practise it. The missed potential of schools as democratic spaces.
Élections Canada : Pourquoi avez-vous décidé de vous joindre au CCE?
Mme Peck : Premièrement, l’éducation civique est un sujet que j’ADORE! Je crois que l’éducation civique a toujours été un volet essentiel de la maternelle à la 12e année. Elle me semble toutefois particulièrement nécessaire de nos jours, étant donné la diminution de la participation citoyenne aux processus démocratiques, notamment aux formes traditionnelles d’engagement civique comme l’exercice du droit de vote.
Au-delà du vote, il est important que tout le monde, peu importe leur âge, comprennent qu’il existe plusieurs façons de faire évoluer positivement leur communauté à l’échelle locale, nationale et mondiale. Par ailleurs, comme de plus en plus de personnes malveillantes diffusent des informations erronées et de la désinformation, les citoyennes et citoyens d’aujourd’hui doivent acquérir les compétences nécessaires pour démêler le vrai du faux. Je suis convaincue que l’éducation civique joue un rôle crucial dans l’acquisition des compétences civiques.
Élections Canada : Qu’est-ce que vous aimez le plus des réunions du CCE?
Mme Peck : C’est incroyablement stimulant de travailler avec des personnes passionnées et talentueuses du domaine de l’enseignement de partout au pays. Élections Canada a créé un espace où nous pouvons discuter, réfléchir, explorer, apprendre, échanger et grandir. Que pourrais-je demander de plus?
Élections Canada : Que recommandez-vous aux enseignantes et aux enseignants qui souhaitent améliorer leurs pratiques en matière d’éducation civique?
Mme Peck : Surtout, ne jamais sous-estimer ce que les élèves peuvent faire. Il existe de nombreux exemples de jeunes Canadiens et Canadiennes qui font des choses extraordinaires pour susciter des changements positifs dans leurs communautés. Je peux nommer, entre autres, Autumn Peltier, protectrice du droit à l’eau, Hannah Taylor, fondatrice de la fondation Ladybug, ainsi que Vishal et Ishan Vijay, les cofondateurs de l’organisme EveryChildNow.
Ces initiatives et ces jeunes meneurs sont incroyablement inspirants, mais il est aussi vrai que nous n’avons pas tous et toutes la capacité de réaliser des projets d’une telle envergure. Il ne faut pas oublier que même les plus petits gestes peuvent engendrer des changements positifs. Le plus important, c’est de donner aux élèves la possibilité de cultiver leur passion, de s’exprimer et de développer leurs compétences à devenir des personnes citoyennes actives.