Étude de cas sur le droit de vote des Inuits

Note : Cette étude de cas a été conçue en consultation avec l’Inuit Tapiriit Kanatami en vue de raconter l’histoire du droit de vote des Inuits aux élections fédérales. Elle ne porte ni sur l’histoire générale des droits, des lois et de la gouvernance des Inuits ni sur le droit de vote des Premières Nations et des Métis.

Renseignements contextuels pour les enseignants

Les Inuits forment un peuple autochtone distinct et habitent principalement dans le nord du Canada et le reste du monde circumpolaire. Au Canada, ils sont l’un des trois peuples autochtones reconnus par la Constitution, avec les Premières Nations et les Métis.

Les terres traditionnelles des Inuits au Canada couvrent le Nunatsiavut (Nord du Labrador), le Nunavik (Nord du Québec), le Nunavut et la région désignée des Inuvialuits (Territoires du Nord Ouest). Ensemble, ces terres sont appelées lnuit Nunangat. Elles représentent près du tiers de la masse terrestre du Canada et 50 % de son littoral. Il y a aussi des populations inuites en Alaska, au Groenland et en Russie.

Pendant des milliers d’années, la majorité des Inuits ont habité dans de petites communautés très unies. Ils vivaient de façon traditionnelle, c’est-à-dire qu’ils utilisaient les ressources de la terre et de la mer pour subvenir à leurs besoins. Les valeurs des Inuits sont fondées sur la coopération et le respect, et les décisions étaient habituellement prises par consensus.

Lorsque le Canada a été fondé en 1867, les terres traditionnelles des Inuits ne faisaient pas partie du pays. C’est pourquoi la Constitution canadienne ne faisait pas référence aux Inuits. Aucun traité n’avait été négocié avec eux, et les Inuits n’étaient pas mentionnés dans la Loi sur les Indiens. Cela signifie que lorsque les frontières du Canada ont été étendues au territoire traditionnel où habitaient les Inuits, la relation entre les Inuits et les gouvernements fédéral et provinciaux n’était pas claire à plusieurs égards. Notamment, les Inuits avaient-ils le droit de vote aux élections fédérales?

En théorie, les Inuits ont eu le droit de vote aux élections fédérales lorsque les frontières du Canada ont été étendues vers le nord et que leurs terres traditionnelles ont fait partie du pays. En réalité, les Inuits ont continué à vivre et à se gouverner de façon traditionnelle. Leurs interactions avec le gouvernement fédéral étaient limitées, et aucun service électoral ne leur était offert.

En 1934, la législation électorale fédérale a été modifiée, notamment pour empêcher les Inuits de voter. La raison de cette exclusion reposait sur une notion émergente, à savoir que les Inuits étaient une responsabilité fédérale comme les Premières Nations. Puisque les membres des Premières Nations n’avaient pas le droit de vote, les Inuits ne l’avaient pas non plus.

Au cours de la décennie suivante et après la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement fédéral a commencé à changer sa vision du Nord et des Inuits. Il s’est intéressé davantage au Nord en raison de ses ressources naturelles et de la question de la souveraineté dans l’Arctique. Afin d’offrir de meilleurs services aux Inuits et aux habitants du Nord, le gouvernement fédéral a créé un réseau de centres de services dans le Nord et a installé les Inuits à proximité.

En 1950, le Parlement a accordé aux Inuits le droit de vote aux élections fédérales lorsqu’il a décidé que les Inuits étaient un peuple distinct des Premières Nations. Le comité parlementaire, chargé d’examiner les changements apportés à la loi électorale, a déclaré que les Inuits devraient avoir le « privilège de voter » puisque, contrairement aux Premières Nations, ils n’étaient pas exemptés de payer des impôts et des taxes. Les Inuits ont donc eu le droit de vote une décennie avant les Premières Nations.

Lors de plusieurs élections fédérales dans les années 1950, des services électoraux ont été offerts dans environ la moitié des communautés de l’Arctique. Les fonctionnaires électoraux ont dû relever de nombreux défis pour recenser les Inuits en raison du vaste territoire et des ressources technologiques limitées. Le matériel électoral est livré par bateau, par hélicoptère, par motoneige et même par parachute. C’est en 1962 que toutes les communautés de l’Arctique ont eu accès à des services de vote.

À l’époque, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut actuels formaient une seule circonscription. En 1976, lors de la révision des limites des circonscriptions électorales qui a lieu tous les 10 ans, cette vaste région a été divisée en deux. Une nouvelle circonscription fédérale a été ainsi créée dans l’Arctique de l’Est, dont la majorité de la population était inuite. Lors de l’élection fédérale suivante, pour la première fois, les trois candidats d’une circonscription étaient des Inuits, et le premier député inuit a été élu.

Durant les années 1960 et 1970, les Inuits ont commencé à participer plus activement à la vie politique nationale et régionale. Une nouvelle organisation, aujourd’hui appelée Inuit Tapiriit Kanatami, a été créée pour défendre l’autonomie gouvernementale et les revendications territoriales des Inuits.

Des accords sur les revendications territoriales ont été signés dans les quatre régions inuites :

  • la Convention de la Baie James et du Nord québécois au Nunavik, en 1975;
  • la Convention définitive des Inuvialuit, en 1984;
  • l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, en 1993;
  • l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador au Nunatsiavut, en 2005.

Les Inuits qui habitent dans ces quatre régions visées par des revendications territoriales (Nunavik, région désignée des Inuvialuits, Nunavut et Nunatsiavut) ont leur propre démocratie. Ils votent pour des représentants de leurs organisations inuites de revendications territoriales, qui travaillent avec les gouvernements fédéral, territorial ou provincial à l’exécution des accords sur les revendications territoriales; les Inuits gèrent également les terres et les ressources, et veillent à la préservation et à la promotion de leur langue et de leur culture.

En plus de cette démocratie inuite dans ces régions, tous les citoyens canadiens âgés de 18 ans et plus – qu’ils soient Inuits ou non – ont le droit de vote aux élections provinciales ou territoriales ainsi qu’aux élections fédérales.

Pourquoi a-t-on accordé le droit de vote aux Inuits en 1950?

En 1950, la convergence de plusieurs facteurs amène le Parlement à accorder aux Inuits le droit de voter aux élections fédérales.

Distinction juridique

Une décision de la Cour suprême a confirmé que les Inuits étaient distincts des Premières Nations et qu’ils n’étaient pas assujettis à la Loi sur les Indiens.

Présence fédérale

Les interactions plus fréquentes avec les Inuits ont permis au gouvernement fédéral de mieux comprendre en quoi ils se distinguent des peuples des Premières Nations.

Considérations stratégiques

Les tensions engendrées par la Guerre froide entre les démocraties occidentales, comme le Canada, et les pays communistes, comme l’Union soviétique, augmentent l’intérêt stratégique des régions de l’Arctique canadien.

Changement d’attitude

Le concept de droit de vote universel pour tous les citoyens se propage en même temps que la sensibilité accrue aux droits de l’homme.

Quelle est la situation actuelle?

Les Inuits participent activement à la démocratie canadienne, qu’ils habitent dans le sud du Canada ou dans l’Inuit Nunangat.

Terminologie

Consensus

Accord généralisé ou de la majorité. Les assemblées législatives du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest sont des gouvernements de consensus. Cela signifie que les députés ne représentent pas de partis politiques et qu’ils travaillent en étroite collaboration afin d’adopter des lois.

Inuit Nunangat

Terres des Inuits. Ce territoire couvre les quatre régions de l’Arctique définies dans les revendications territoriales des Inuits : le Nunatsiavut (au Labrador), le Nunavik (dans le nord du Québec), le Nunavut et la région désignée des Inuvialuits (dans les Territoires du Nord Ouest). Les Inuits votent pour élire les représentants de leurs organisations de revendications territoriales, ainsi qu’aux élections fédérales, provinciales, territoriales et municipales.